EcriTech’4 : Des outils mobiles pour une école en mouvement

Un compte rendu complet du colloque sur le site du café pédagogique

Une sélection de phrases:

Jean-Marc Merriaux, directeur général du Scérén – CNDP, ... »Les technologies mobiles instaurent un continuum éducatif et favorisent l’ubiquité, la capacité d’être là sans être là »
Catherine Becchetti-Bizot, Inspectrice générale de lettres  ... »Les outils nomades présentent d’évidents intérêts : simplicité et facilité d’utilisation, fluidité de la navigation, multisensorialité et multifonctionalité de type « couteau suisse », immédiate familiarité voire intimité qui se se crée avec l’usager… Pédagogiquement, le champ des possibles est vaste : autonomie accrue de l’élève,  individualisation renforcée et travail collaboratif, accès facilité à de nombreuses ressources culturelles… »
Gilles Braun, conseiller du ministre de l’Éducation nationale pour le numérique,... »Il ne suffit pas d’affirmer qu’il faut former, il faut aussi se demander qui va former »


Thierry Grillet, délégué  à la diffusion culturelle à la BNF…« Avec le doigt, le lecteur désormais modifie le paramètre de ce qu’il lit, par exemple en zoomant ou en déplaçant. »… »Selon Borges, le livre est prolongement de la mémoire et de l’imagination, pas que du corps ; d’ores et déjà nous déléguons aux technologies numériques le soin de lire pour nous, par exemple à travers les moteurs de recherche.. »
Nicolas Rocher, IA-IPR d’Histoire-Géographie dans l’académie de Lille appelle « à éviter le piège techniciste et à rechercher la plus-value pédagogique »
Olivier Massé, IA-IPR de Lettres « en donne de fort intéressantes illustrations en présentant plusieurs expérimentations de tablettes »
Michel Durampart, Directeur du Laboratoire I3M…« il convient d’éviter le formatage des propositions didactiques et de privilégier la pédagogie de projet »
Philippe Gauvin, 
Chef de la Division des affaires juridiques au SCÉRÉN – CNDP .. »Il est illusoire cependant, souligne-t-il, de vouloir interdire partout les smartphones et il convient de préférer aux interdictions une éducation citoyenne, qui préparera aux bons usages en société, jusqu’en entreprise … »
Hervé Beauvais, Proviseur au lycée Les Eucalyptus à Nice .. »Il s’agit de faire, via les smartphones des lycéens invités à flasher çà et là dans l’établissement, de la documentation, de l’orientation, de la prévention, de la vie lycéenne, de l’éducation aux médias ou de l’ouverture culturelle »
Dominique Maïssa, Principal au Collège Raoul Dufy à Nice, évoque la conception et la réalisation de manuels numériques par les enseignants du collège eux-mêmes.

Regards croisés: « l’outil d’emblée questionne les enseignants sur le sens même des apprentissages ou les relations entre les différents acteurs de l’éducation. L’école, ainsi appelée à se reconsidérer pour peut-être devenir école de la bienveillance, est bel et bien alors déjà « en mouvement ».
De nouvelles modalités de travail « Elvio Fisler et Christophe Schneider travaillent à Lausanne sur « l’informatique pédagogique » au service d’élèves à besoin spécifique. Les tablettes, démontrent-ils, apparaissent comme un précieux outil de « technologie assistive » : grâce à des applications bien choisies pour l’aide à l’écriture, à la lecture ou à la création de documents interactifs, des gestes d’apprentissage développent les compétences, l’autonomie, l’insertion (par exemple, un malvoyant prend une photo sur tablette et d’un clic l’éclaircit pour mieux voir le monde) ; la réussite des expériences dépend aussi de l’existence d’un projet, d’un réseau pluridisciplinaire partant des besoins réels de l’élève. »
Serge Miranda, professeur à l’université de Nice:   » …en 2015, la moitié de la planète sera équipée d’un smartphone … Or, en 2025, une centaine de millions d’individus auront l’âge universitaire sans qu’il y ait de places suffisantes pour les accueillir … Le phénomène des MOOC, des universités en ligne, paraît des lors irrésistible. Il pose d’ailleurs d’intéressantes questions pédagogiques : il est impossible pour un enseignant d’évaluer des milliers d’élèves, dès lors s’impose la nécessité de collaborations et d’interactions entre étudiants avant que ne lui remontent quelques questions triées.. »
Daniel Peraya, professeur à l’université de Genève, raconte  que ses étudiants vont de plus en plus travailler ailleurs que sur la plateforme Moodle mise à disposition.
Jean-Michel Le Baut, professeur au lycée de l’Iroise à Brest, rappelle que « la tablette n’est pas sans présenter des risques pédagogiques : on sait combien le TBI est souvent utilisé de façon peu interactive, le danger est que la tablette, comme le stylet, reste entre les mains de l’enseignant, qu’elle lui serve à donner le spectacle de ses connaissances et compétences au lieu d’aider l’élève à construire les siennes ; par exemple, si au lieu d’inviter l’élève à se déplacer pour venir au TBI accomplir des gestes d’apprentissage, le professeur lui confie un instant la tablette pour mener ce travail sans bouger de sa chaise, alors la technologie nomade deviendrait même un instrument de sédentarisation ! L’outil mobile est intéressant s’il change les rôles des uns et des autres, si le « sacre du lecteur », plutôt que de l’auteur, devient, à l’école, le  « sacre de l’élève », plutôt que de l’enseignant. 


Réalité augmentée
Le concept de « réalité augmentée » est à la mode : à l’école aussi, des projets peuvent se mettre en place pour que l’élève lui-même produise des ressources numériques qui renforcent l’intelligence du monde dans le temps même de son exploration.

Livres enrichis
La tablette est aussi une « liseuse » : elle offre le plaisir d’explorer un texte éventuellement accompagné de  ressources multimédias et de liens hypertextes.

Il apparaît que la tablette présente des intérêts spécifiques : la mise en activité de l’élève devient visible ; l’outil est perçu comme une protection pour l’oral ; il facilite la prise de notes et leur organisation ; il offre la possibilité d’un rythme de travail différencié et d’une pédagogie en « côte à côte » ; les temps d’acquisition paraissent plus longs mais les acquisitions semblent consolidées.

Et si nous prenions au pied de la lettre les théories faisant du lecteur le coauteur du texte ? Se déplacer dans la littérature en écrivant de l’intérieur du livre, voilà une opération qui n’était guère possible avant le numérique. Est ainsi évoqué le travail mené au quotidien par les lycéens du projet i-voix qui enrichissent les œuvres lues en jouant sur l’intertextualité, en « insérant des liens » divers : avec des images (photos, tableaux, bandes annonces de films …), de la musique (des liens Deezer ou Dailymotion), des mots (nuages de tags), des personnes (réalisation de casting)… De façon plus singulière encore, ils copient-collent des bouts de textes pour jouer dans l’intratextualité, pour créer de nouveaux textes, souvent poétiques et fulgurants, par des exercices de contraction, de dilatation, de transformation…

Expérience partagée

Puisque la tablette et le smartphone sont des outils mobiles, puisque le web permet de naviguer à loisir, de découvrir de nouveaux territoires et d’instaurer de nouvelles relations, il serait regrettable de ne pas faire du numérique le moyen d’une expérience partagée du monde. Cet esprit collaboratif peut souffler à l’intérieur de la classe : des expériences scientifiques, des activités d’écriture, des gestes sportifs, menés en groupes ou individuellement sont filmés avec la tablette, projetés ensuite sur le TBI, mutualisés, expliqués et commentés ; ou encore, lors d’un compte rendu de devoir, chaque élève est convié à poser des questions sur la correction qui en a été faite et/ou sur sa copie ; les questions sont rédigées sur tablette, puis projetées, et on y répond collectivement ; le dispositif semble avoir pour vertu de s’ajuster au mieux aux difficultés réelles des élèves tout en désinhibant le questionnement.

Les interactions peuvent aussi avoir lieu avec l’extérieur de la classe,  par exemple entre élèves de niveaux différents, voire faire franchir les frontières : des élèves de pays divers peuvent entrer aisément en communication, synchrone ou asynchrone, pour des activités collaboratives particulièrement stimulantes et enrichissantes.

Conclusions

Les différents exemples proposés font percevoir la capacité des outils nomades à faire bouger les élèves, physiquement, culturellement, psychologiquement. Invités à devenir tour à tour promeneurs, visiteurs, enquêteurs, éditeurs, auteurs, personnages, acteurs, professeurs, autres élèves, étrangers à leur propre pays …, ils se construisent en faisant l’expérience, heureuse, formatrice parce que transformatrice, de l’altérité. Sans doute les outils nomades ne sont-ils pas indispensables pour réaliser certaines de ces activités, mais ils les facilitent d’ores et déjà et, peut-être, les multiplieront, tant la pédagogie qu’ils incarnent est susceptible de recomposer « le lieu et la formule » des apprentissages.
Paul Mathias, Inspecteur général de philosophie « Nous vivons une révolution copernicienne, un renversement ou une dislocation de l’écosystème pédagogique : les élèves possèdent des savoirs que nous ne possédons pas, la parole des enseignants peut être remise en question pour peu que l’élève puisse la vérifier, l’institution elle-même est à réorganiser. »